Boleine : Avec quelle doctrine économique partagez-vous le plus d’idées ?
Alexis Rostand : Je dirai que je suis plutôt libéral encore que le libéralisme n’est pas, selon moi, une doctrine économique. Je le suis en ce sens que je me méfie du matérialisme historique. Comme Hayek, je ne crois pas aux vertus de la planification ; et considère, avec Jouvenel, que la tentation est toujours grande d’abuser d’un pouvoir et de contrarier les initiatives individuelles au nom d’un supposé intérêt supérieur. Et cela, particulièrement dans le domaine économique où je pense que c’est surtout le talent de quelques-uns qui assure la prospérité collective. Il faut donc donner la primauté à la personne.
Pourquoi pensez-vous que l’économie ne s’entend pas bien avec l’histoire et la philosophie, au point qu’on puisse parler d’économie « barbare », comme l’indique le titre de
votre livre ?
Ce n’est pas tant qu’elles ne s’entendent pas, mais c’est qu’elles ne s’écoutent plus et sont de moins en moins enclines à le faire alors qu’elles se recouvrent largement. Ce paradoxe tient au phénomène de la spécialisation des savoirs qui lui-même s’explique par la complexification du domaine de la connaissance. Est « barbare » ce qui est dissocié, fragmenté, et c’est cette fragmentation qui est dommageable car elle empêche un chemin d’unité, synonyme de sagesse.
Quels économistes vous ont le plus inspiré ?
J’ai été marqué par les ouvrages de Wilhelm Röpke, de Ludwig von Mises, de Friedrich Hayek pour ce qui est du XXe siècle. Économistes qui avaient en commun de vouloir dépasser l’économie classique pour l’intégrer à la sociologie et à l’anthropologie, et que l’on rattache traditionnellement à l’école autrichienne. J’apprécie beaucoup Charles Gave que j’ai le plaisir de connaître et dont j’apprécie la liberté et l’amplitude de sa réflexion. Je citerai aussi Guillaume Vuillemey parmi les contemporains, un futur grand économiste. Pour ce qui est des historiens de l’économie : Braudel.
Comment avez-vous commencé à écrire ? Depuis quand écrivez-vous ?
J’ai toujours aimé écrire pour moi-même, mais je me suis longtemps interdit de le faire pour les autres, au motif que je ne me sentais pas particulièrement légitime pour apporter mes lumières au monde. J’ai contribué à diriger un ouvrage collectif qui est paru en 2022, produit plusieurs rapports et donne depuis 2018 un cours initialement intitulé « philosophie de l’investissement ». C’est de ce cours qu’est tiré mon livre dont la visée est pédagogique.
Comment vous vient l’inspiration ?
J‘imagine qu’il y a différents types d’inspiration. S’agissant de mon dernier livre, il est inspiré par des œuvres maîtresses dont je voudrais qu’elles soient davantage lues pour inspirer le plus grand nombre. Cette inspiration vient donc de la lecture des maîtres et je veux essayer de me mettre à leur service pour partager leurs intuitions et leurs enseignements auprès des personnes que je peux toucher. Pour le reste, je dirai que je pense que la Vérité existe et qu’il faut la chercher en toute chose. Nous sommes des nains sur les épaules de géants.
Quel est le livre qui vous a le plus inspiré dans la rédaction de votre ouvrage ?
Je dirai, assez naturellement, La barbarie intérieure de Jean-François Mattei, par lequel je commence mon livre. Il s’agit d’une remarquable synthèse que je relis régulièrement pour m’en imprégner.