A l'occasion de la table ronde du 16 mai 2023 à l'Institut Catholique de Paris organisée par la Chaire ICP-ESSEC Entreprises et Bien Commun, en partenariat avec la Chaire Shaping the Future of Finance de l'ESSEC, Eiffel Investment Group et les éditions Boleine, nous avons voulu en savoir plus sur l'investissement éthique avec Emilie Tardivel.
Diplômée de Sciences Po Paris et docteur en philosophie de l’Université Paris 1, Emilie Tardivel est professeur extraordinaire à la Faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris et titulaire de la Chaire ICP-ESSEC Entreprises et Bien Commun, créée en partenariat avec l’ESSEC Business School. Lauréate de l’Académie française pour son livre sur la philosophie du dissident tchèque Jan Patočka, La liberté au principe (Vrin, 2011), elle est aussi l’auteur d’un essai de philosophie politique, Tout pouvoir vient de Dieu. Un paradoxe chrétien (Ad Solem, 2015), et de nombreux articles.
Que signifie le bien commun ?
Le bien commun est une notion philosophique ancienne. C’est à la fois une aspiration de tout homme, qui bat en brèche la thèse moderne de son égoïsme fondamental, et un faisceau de problèmes. La doctrine sociale de l’Église propose sans doute la définition la plus complète et ouverte du bien commun : « ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée. »
Le bien commun est-il l’apanage des chrétiens ? Comment la doctrine sociale de l’Église éclaire-t-elle le débat ?
Non, le bien commun n’est pas pour autant l’apanage des chrétiens. Le bien commun est inscrit au cœur du désir de tout homme. Les chrétiens ont simplement un coup d’avance en raison de leur tradition philosophique, qui leur permet d’appréhender cette aspiration universelle dans toute sa profondeur, et de leurs pratiques, qui doivent se fonder sur les principes de la doctrine sociale de l’Église : dignité, subsidiarité, solidarité, participation et destination universelle des biens.
Pensez-vous que le bien commun trouve un écho aujourd’hui, et particulièrement dans les entreprises ?
Oui, le bien commun trouve aujourd’hui un écho très fort dans les entreprises, parce qu’elles ont conscience de la fin de l’ « ère friedmanienne » où leur responsabilité sociale résidait uniquement dans l’accroissement du profit. Les actionnaires ne sont pas les seules parties prenantes qu’elles doivent satisfaire et les actionnaires eux-mêmes changent, veulent prendre en compte les enjeux sociaux de leurs investissements, c’est-à-dire investir pour le bien commun.