Revue de Philosophie du Droit

     

Rédacteur en chef : Pierre-Hugues Barré

Directeur scientifique : Sébastien Neuville

Directeur de publication : Grégoire Belmont

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Editorial

 

Qu’est-ce que la philosophie du droit ?

Éléments de réponse pour une revue qui s’en réclame.

 

 

« Toute définition, en droit, est dangereuse » (omnis definitio in jure civili periculosa) dit le jurisconsulte Javolenus dans une citation reprise au Digeste et élevée au rang d’adage. Difficile dans ces conditions d’envisager sans trembler de répondre à la question – et même, à la question par excellence, celle du « qu’est-ce que ? ».

 

Le tremblement se justifie d’autant plus quand on sait que formuler des éléments de réponse suppose d’entrer en dialogue avec des auteurs qui ne furent pas parmi les plus petits. Qu’on songe seulement au spectre de Hegel, à l’ombre de Kant, au fantôme d’Aristote, à la présence de Montesquieu et de Cicéron, aux intuitions de Thomas d’Aquin et d’Augustin, et l’on jettera vite l’éponge. Si la philosophie est « création de concept », selon Deleuze, on passera son chemin, tant la voie est balisée par de plus grands.

 

La philosophie du droit nécessite une double enquête sur la nature du droit et sur celle de la philosophie. Est-ce la raison pour laquelle cette discipline est si difficilement théorisée, enseignée, institutionnalisée en France ? 

 

L’auteur de ces lignes précise en France puisqu’il a connu – et aimé – cette branche singulière du savoir académique et de la sagesse pratique au-delà de nos latitudes, à l’université d’Oxford, où la philosophie du droit, la jurisprudence, est au fondement et à l’origine de toute formation juridique.

 

La philosophie du droit comme branche de la philosophie est souvent comprise comme une analyse des discours des philosophes sur le droit. En raison de leur pratique des affaires humaines, les juristes sont toutefois raisonnablement mal à l’aise avec cette approche, tant elle apparaît éloignée de l’expérience fondamentale que leur confère l’exercice quotidien de leur art. 

 

Le droit relève du domaine de l’action (praxis), de sorte que l’élaboration d’une véritable philosophie du droit doit s’efforcer d’éclairer l’essence de l’art juridique : le juste partage, la recherche du juste dans des situations concrètes. Cette sagesse doit permettre de prendre du recul sur les énoncés des juristes, qui s’appuient sur des présupposés qu’ils doivent savoir mettre à jour, discuter et parfois réfuter. Cette nécessité critique, qui naît d’approches contradictoires, ne détourne pas le juriste de son art mais, au contraire, fait qu’il y entre avec davantage de profondeur. L’accord des vérités contraires qui naît du contradictoire permet ainsi de discuter les critères communs du juste, de retrouver les fondements de l’État (état ?) de droit, de questionner le droit comme pure production du pouvoir souverain et, enfin, d’interroger l’extension des droits subjectifs. 

 

L’importance d’une philosophie du droit émane ainsi de ce double constat qui commande de s’intéresser non seulement à l’origine de la loi, mais surtout à sa finalité. Il s’agit donc de redécouvrir l’intelligence du droit avant qu’il ne soit conçu comme l’expression d’une volonté abstraite. Cette sagesse l’oriente vers la « volonté constante et perpétuelle de rendre à chacun le sien ». Cette Revue se propose d’examiner le droit sous cet angle finaliste : de s’intéresser, en philosophie, à l’angle le plus pertinent pour aborder la question du juste de manière critique et lui arrimer le droit ; de débattre, en pratique, de la justice de notre droit positif.

 

La philosophie a pour champ d’investigation l’ensemble de l’être, un champ qu’elle arpente munie d’une méthode, la « recherche des causes les plus hautes » pour reprendre Aristote. On peut dire d’elle qu’elle doit raisonner d’abord sur du concret, que son objet premier n’est pas la réflexion sur son histoire propre, mais sur les choses. Elle ne peut donc que s’intéresser à l’objet juridique.

 

Si le droit se développe spontanément là où il y a des hommes, cette croissance spontanée est aussi un phénomène culturel qui implique la conscience des hommes, l’artifice des formules et des rites, des charges et des procédures. Cependant, en tant qu’elle ne peut pas ne pas finir par se déployer là où il y a des hommes, elle est aussi un fait qu’il faut éminemment rattacher à la nature. Où il y a des hommes, le dit comme le non-dit structure les échanges, donne à la société sa forme.  

 

Qu’est-ce que la philosophie du droit ? À partir de ce qui a été posé plus haut, il est possible pour l’heure de la définir comme la découverte des causes les plus hautes expliquant les contraintes symboliques pesant sur les sujets humains. 

 

La plus haute des causes est la cause finale. Ce faisant, il est possible, par une analogie, de distinguer ce qu’est la philosophie du droit de la science du droit. La science du droit s’occupe des ressorts matériels et mécaniques du droit, de la manière dont il fonctionne. La philosophie du droit se pose la question de la forme que prend cette touffe d’interdits, de la physionomie vers laquelle elle tend, de la morphologie qu’elle vise, du but qu’elle poursuit, ou doit poursuivre. En ce sens, la philosophie du droit est non seulement réflexion sur la matière du droit, sur ses mécanismes efficients, mais aussi sur sa forme, qui, comme tout être naturel, est confondue avec sa fin. Alors, la philosophie du droit comporte une dimension normative : la poursuite du juste que se fixent les acteurs du droit. 

 

La philosophie du droit est donc un amour de la sagesse pratique. De cette définition découle un point fondamental pour notre charte éditoriale : il ne saurait y avoir de philosophie du droit sans un ancrage dans le réel et dans une recherche de ce qui est juste dans une situation déterminée. Notre comité scientifique ne se distingue pas seulement par son aspect international, lui-même fondé sur la conviction qu’il ne manque pas une Revue française de philosophie du droit mais qu’une Revue de philosophie du droit – tout court – fait défaut, il a également tenu à laisser une place aux praticiens.

 

Si le droit est, selon le Digeste, « l’art du bon et de l’équitable » (jus est ars boni et aequi), il n’est pas déduit, par syllogisme, de la seule volonté du législateur. Il est le fruit de longs tâtonnements, prenant la forme de débats contradictoires, pétris de vérités probables. Il se nourrit de l’ordre du réel et de la particularité des circonstances pour parvenir à la juste sentence. La dialectique et la rhétorique sont les instruments de cette recherche du juste, à laquelle collaborent le législateur, le juge, l’avocat, les chercheurs et le peuple, par la coutume.

 

Cette Revue, en format papier, a pour vocation d’alimenter ces débats qui constituent la palpitation de la vie juridique ; puisque le juste est chose concrète, elle fera appel à la plume des chercheurs mais aussi des praticiens, associés dans la recherche d’« id quod justum est ».

 

Pierre-Hugues Barré

Rédacteur en chef

 

Comité scientifique

Rémi Brague (membre de l’Institut), Xavier de Bonnaventure (Lille), Hugues Bouthinon-Dumas (ESSEC), Gustavo Cerqueira (Nice), François Chénedé (Lyon 3),  Bruno Daugeron (Paris Cité), Chantal Delsol (membre de l’Institut), Alexandre Deroche (Tours),  Éric Desmons (Sorbonne Nord), Guillaume Drouot (Bordeaux), Pierre Egéa (UT Capitole), Muriel Fabre-Magnan (Paris 1), Emmanuel Jeuland (Paris 1),  Philippe Lauvaux (Paris II), Rémy Libchaber (Paris 1), Blandine Mallet-Bricout (Avocate générale à la Cour de cassation), Sébastien Neuville (UT Capitole/Sciences po), François Martineau (Lussan), Thibault Mercier (Drouot Avocats), Yvonne Müller (Paris X), Marta Peguera Poch (Paris 1), Catherine Puigelier (Paris 8), Eduardo Romero (Dechert LLP), Laure Thomasset (ICP), Stamatios Tzitis (CNRS), Philippe Stoffel-Munck (Paris 1), Hubert de Vauplane (Kramer Levin), Vincent Vigneau (Président de la chambre commerciale de la Cour de cassation).

Roberto Andorno (Zurich), Stéphane Bauzon (Rome), Roger Boada Queralt (Barcelone), Diego Costa Gonçalves (Lisbonne), Paulo Ferreira da Cunha (Porto), Michael Foran (Glasgow), Alfredo de Jesus dal Molin Flores (UFRGS), Aniceto Masferrer (Valence), Julien Mumpwena (Université catholique du Congo), François Ost (UCLouvain Saint-Louis), Nathan Pinkoski (Floride), Fouzi Rherrousse (Oujda), Jean-Paul Segihobe Bigira (Kinshasa), Matthias E. Storme (KU Leuven), Henri Torrione (Fribourg), Adrian Vermeule (Harvard Law School), Krzysztof Wojtyczek (CEDH), Yuan Yi Zhu (Leiden), Paul Yowell (Oxford).

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