Le professeur Hervada ne manque pas de cet humour très fin des professeurs à la longue expérience de transmission du savoir. Il peut sembler paradoxal de dire qu’en lisant Qu’est-ce que le droit, le lecteur sourira plus d’une fois, car une œuvre d’introduction au droit semblerait appeler un profond sérieux… mais qui a dit que profondeur et humour étaient incompatibles ? Lorsque qu’Hervada évoque sans en avoir l’air et toujours en en repoussant l’échéance la figure d’Antigone de Sophocle, on perçoit sa longue habitude de vulgariser et mettre à portée de tous les fondements du droit naturel sans pour autant l’asséner, ni le plaquer sans légèreté.
« Nous allons affirmer que le tragique Sophocle a eu le génie de laisser dans Antigone un témoignage impérissable de l’existence de la loi naturelle. Mais avant de payer l’inévitable tribut à Sophocle et Antigone lorsqu’elle se réfère au tyran Créon, il est nécessaire d’expliquer de quoi il s’agit ». (Qu’est-ce que le droit, p. 166)
Tout au long de son livre, Hervada explique « de quoi il s’agit », lorsque l’on parle de droit et de loi naturelle. Il le fait avec la simplicité qui naît du talent de l’enseignant qui a mûri sa réponse au long des années. Avec lui, le droit retrouve sa simplicité, son « bon sens », – « une des qualités dont le juriste a la plus besoin est le bon sens », affirme-t-il (p. 131) – et ses racines humanistes grecques. Ce livre peut aussi bien être mis entre les mains d’un avocat, d’un étudiant en droit, d’un citoyen lambda qui se pose des questions sur la justice, et surtout des futurs leaders de notre société. Car si les leaders comprennent le droit, « rendre à chacun son dû », la société ira mieux.
Hervada permet cette ré-appropriation de la vertu de justice, vertu indispensable au leader. Il a des formules percutantes, qui remettent les choses en place, comme celle où il affirme : « La justice n’est pas un idéal, mais un fondement ». (Ibidem, p. 52) Dans ce passage, Hervada parle avec souffle de ce fondement : « S’engager pour la justice ? Nous avons tous cette obligation, car la justice est un devoir, un engagement, voir un bien de première nécessité, et non un idéal particulier. C’est comme si quelqu’un promettait de ne tuer personne. Quelle promesse ! En réalité, nous pouvons dire la même chose concernant la justice : que serait une société dans laquelle il serait exceptionnel d’être juste ? Il s’agirait d’une société (…) en dessous du minimum requis. Ce n’est pas la justice qui requiert un engagement, mais l’amour des hommes. L’amour, la fraternité, le don aux autres et le sacrifice sont des engagements qui valent la peine d’être vécus, surtout si cet amour des hommes prend son fondement dans l’amour de Dieu. La justice est le minimum auquel nous sommes tous obligés dans les relations humaines ; et un minimum ne peut être un idéal ». (Ibidem p. 52-53)
Boleine, en publiant ce petit livre très accessible d’Hervada, pense aux leaders engagés dans le leadership vertueux. Les vertus cardinales de justice, prudence, tempérance, courage, développées par la Grèce antique, restent le fondement de l’humanisme dont notre société actuelle a besoin. Pour apprendre à connaître à fond la vertu de justice, nous ne pouvons que recommander de lire Qu’est-ce que le Droit, de Javier Hervada. Formé ainsi par le réalisme juridique dont Hervada se fait le chantre, le lecteur deviendra un leader rempli de justice, quelle que soit sa fonction sociale. Et le tribut payé à l’éternelle Antigone n’aura pas été en vain.
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